Posté à 17h00
                Mélanie Marquis La Presse             

(Ottawa) Déjà cerveau du défi, virtuose de la phrase meurtrière, champion de la politique libertaire, il veut devenir le roi du bitcoin, le maître de l’inflation galopante, le croque-mort de Radio-Canada – et, soit dit en passant, le premier ministre de Canada. Pierre Poilievre parie que les Canadiens le suivront et, assoiffés de liberté, briseront leurs chaînes libérales aux prochaines élections fédérales. “Mon mari est un grand homme avec des principes, des convictions, un grand combattant, qui est prêt à se battre pour nous. Eh bien, mesdames et messieurs, sans plus tarder, mon mari, notre combattant, l’homme au travail : Pierre Poilievre ! « Il lance Anaida Poilievre en guise d’introduction au discours du chef du Parti conservateur du Canada mardi dernier lors d’un rassemblement du parti à Gatineau. Ce discours, dans lequel il réitère son intention de faire du Canada le « pays le plus libre du monde » tout en étant déclaré « candidat anti-réveil », est prononcé presque entièrement en français par le député de Carleton. Si l’élu de 42 ans parle si bien la langue de Molière, c’est parce que son beau-père est francophone de la Saskatchewan. Donald Poilievre – sans accent sérieux – et sa femme Marlene ont adopté le petit Pierre à la naissance en 1979. La mère biologique du bébé, à l’âge de 16 ans, vient de perdre sa mère. Le couple Poilievre, deux enseignants, a élevé Pierre à Calgary, en Alberta. Son fils se passionne très tôt pour la politique et le conservatisme. À 16 ans, il vend des cartes de membre du Parti réformiste à Jason Kenney. Au cours de sa deuxième année à l’Université de Calgary, il remporte un prix de 10 000 $ lors d’un concours de rédaction intitulé « Si j’étais premier ministre, je le ferais ». PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Pierre Poilievre et son épouse, Anaida, lors d’un rassemblement festif à Gatineau le 26 avril Et avant de se rendre à Ottawa, au début de la vingtaine, il s’est impliqué dans un mouvement qui cherchait à persuader Stockwell Day de se présenter pour l’Alliance canadienne. “Je suis sûr qu’il a l’ambition de briguer le gros lot dans 10 ans. Cela ne m’étonnerait pas du tout. L’instinct maternel de Marlene Poilievre avait raison. Elle a mis le doigt sur la tête lorsqu’elle a fait cette prédiction au Ottawa Citizen au sujet de son fils politique il y a 10 ans, en 2012. Enfin presque. Car en 2020, Pierre Poilievre allait entamer la lutte pour le leadership conservateur. Tout était en place. Mais avec un préavis de 24 heures, il a quitté le projet, selon de nombreuses sources conservatrices. La raison ? Sortie officielle : sa jeune famille. En décembre 2019, lorsqu’Andrew Scheer s’est rapproché, la fille de Valentina n’avait qu’un an et sa femme était enceinte de Cruz, né en septembre 2021. La famille est encore jeune, qu’est-ce qui a changé ? Mystère. L’équipe de Poilievre n’a pas répondu aux demandes d’entrevues avec La Presse dans les délais impartis. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Pierre Poilievre salue les partisans lors d’un rassemblement au Hilton DoubleTree à Gatineau le 26 avril. Pierre Poilievre, avouons-le, n’a pas exactement les médias dans son cœur. Il a passé les dernières années à attaquer leurs représentants au front, notamment ceux de la salle de presse du Parlement à Ottawa. Le siège du centre-ville battait encore son plein fin janvier, lorsqu’il accusait les journalistes, qui avaient grandi sur le terrain, de vouloir “faire taire” les manifestants.

“Ce serait une grave erreur” de l’élire chef

Lors de son trajet provincial et suburbain à Carleton, à environ 20 minutes de la Colline du Parlement, le sceau d’approbation du cortège automobile paralysé d’Ottawa a mal tourné avec certains. “Ce qui me fait peur, c’est le trumpisme que l’on détecte quand on l’entend parler. “Je n’ai pas aimé le fait qu’elle offrait des beignets et du café aux manifestants”, a déclaré Lorna, une femme âgée conservatrice qui boit du café avec son amie Elizabeth au Tim Hortons, à Richmond. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Rick Petite, rencontré à Richmond Au volant de sa camionnette, après avoir commandé un « double double » chez le concessionnaire automobile de la même société, Rick Petite confie avoir eu froid lui aussi. “Il a tout détruit avec son soutien dans l’escorte. Je ne pense pas que je voterai à nouveau pour lui et je suis un conservateur. A mon avis, ce serait une grosse erreur. [de le choisir comme chef]. “Beaucoup de conservateurs vous diraient la même chose”, insiste celui qui travaille dans l’industrie du camion. L’inquiétude est aussi réelle au sein de la délégation conservatrice, avoue un élu du parti qui a requis l’anonymat pour faire passer l’essentiel de sa pensée. “J’ai peur de ce que ferait la victoire de Pierre Poilievre à la fête et je ne suis pas le seul”, a-t-il déclaré. En fait, ses préoccupations vont au-delà des estimations du parti. “Je m’inquiète de ce qu’il aurait [comme impact] sur le débat démocratique au Canada. “Les partisans de Pierre vont aux extrêmes et sa victoire renforcerait leur voix”, a-t-il déclaré. “Je suis le premier à mettre mon iPad de côté dans la pièce quand il se lève pour poser une question. Je sais qu’il fera un bon show ! “Le problème, c’est le contenu”, a-t-il ajouté. Le vice-président du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, qui était Pierre Poulier lorsqu’il était dans l’opposition et lorsque le conservateur était ministre de l’Emploi et du Développement social, fait écho à ces propos. J’ai toujours eu du mal à pouvoir voler des faits, la réalité, des statistiques. Il est difficile d’avoir une discussion logique contre quelqu’un qui est capable de déformer la réalité. Alexandre Boulerice, vice-président du Nouveau Parti démocratique Des propos scandaleux, le député élu pour la première fois à 25 ans les partage avec tout le monde : toutes ces années, il s’en est pris à des institutions comme Élections Canada (ces jours-ci, c’est la Banque du Canada qui est dans son œil) et il plaisante ses adversaires à la Chambre des communes. Ils se répandent comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Le récent recrutement du général Jeff Ballingall, qui a été révélé jeudi par la CBC, devrait donner encore plus d’importance aux formules choc de l’élu – “Justinflation”, c’est la sienne. L’entreprise tactique qui a également travaillé pour Erin O’Toole est à l’origine des comptes Canada Proud et Ontario Proud, connus pour leurs messages anti-Trudeau. Une chose est sûre, le style ostentatoire et le ton fragile de Pierre Poilievre ne laissent personne indifférent. “C’est un vrai pit-bull. “C’est hilarant de le voir se rendre à la Maison dans les extraits publiés sur Facebook”, a déclaré Jen Lavigne, copropriétaire avec son mari Rob de That Hunting Store à Richmond. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Jen Lavigne, copropriétaire de That Hunting Store, Richmond Ils lui ont tordu la main pour se présenter. Ils le supplièrent à genoux de se présenter. Dieu merci, il a finalement décidé de le faire. Jenn…