La scène, qui a immédiatement déclenché une vague d’indignation dans la classe politique, est loin d’être une plaisanterie. Cette vidéo fait partie d’un phénomène qui touche de plus en plus de pompiers. Depuis la dernière grande mobilisation de la profession en 2019, les pouvoirs publics et les représentants des professionnels et des sapeurs-pompiers volontaires se sont mobilisés pour renforcer les outils de lutte contre ces agressions verbales et physiques.
Baisse de la violence en un an
Il a fallu attendre la rentrée 2020 pour qu’un organisme national compile des statistiques sur ce sujet. Sur la promesse de l’ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, cet observatoire national des sapeurs-pompiers a été mis en place par son successeur, Gérald Darmanin, il y a deux ans. Placée sous la présidence du préfet Alain Thirion, cette instance a pour objectif de recenser les faits des agressions – verbales ou physiques – et des blessés dans le cadre des différents SDIS (services départementaux d’incendie et de secours) sur l’ensemble du territoire. Au contact de 20 Minutes, le représentant de la Politique de sécurité, Alexandre Jouassard, précise que « 1 518 actes de violence ont été recensés en 2021 contre 1 764 en 2020 ». “S’il y a une baisse totale, le nombre de pompiers blessés liés à ces actes de violence a augmenté l’an dernier. “572 blessés ont été enregistrés contre 468 en 2020. Le phénomène global est sous contrôle, mais ce dernier chiffre montre qu’il s’agit d’un enjeu important”, poursuit-il. Parmi les adhérents siégeant à l’observatoire, certains syndicats, comme l’Unsa-Sdis, réclament des chiffres “appropriés”. Si davantage de SDIS signalent désormais ces événements au ministère de l’Intérieur, 30% ne le font toujours pas, indiquait l’instance professionnelle à l’issue de la réunion du comité exécutif en février dernier.
Éducation et réponse pénale
Au-delà de cet outil statistique, l’Observatoire cherche également à rassembler les “bonnes pratiques” constatées dans les différents services en matière de prévention des “comportements agressifs”. Prêts à intervenir dans un contexte ou une situation de crise particulièrement dangereux, les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires ne sont pas toujours formés pour faire face à de telles violences. “Pourtant, nos agresseurs sont nos victimes dans 90% des cas”, rappelle Yannick Tenesi, secrétaire général du syndicat SNSPP-PATS. “Au cours de la formation initiale, les sapeurs-pompiers apprennent désormais une posture spécifique et une évaluation des risques avant l’opération. “On sait que lorsqu’on intervient auprès d’une victime qui a certains troubles psychiatriques ou dans un contexte de violences conjugales, il y a un risque d’agression”, explique Alexandre Jouassard. Le “plan de prévention et de lutte contre les agressions des sapeurs-pompiers”, signé à l’été 2020 par le ministre de l’Intérieur, prévoit également de renforcer l’accompagnement des professionnels dans le dépôt des plaintes. Aux Yvelines, le département où travaille Yannick Tenesi, “un agent nous accompagne au commissariat si nous le voulons”, a-t-il précisé. “Nous aimerions que nos employeurs puissent porter plainte lorsque l’un d’entre nous est agressé, mais ces plaintes sont portées presque systématiquement par des juges qui les jugent infondées”, a-t-il déclaré. Malgré ce soutien et les consignes fermes du ministère, certains pompiers hésitent encore à pousser la porte d’un commissariat ou d’une gendarmerie. “Ils sont minimisés surtout lorsqu’ils font l’objet d’insultes dans l’intervention. Cependant, cela reste une attaque. Cela témoigne aussi d’une forme d’humiliation du phénomène”, analyse le secrétaire général du SNSPP-PATS. Dès 2019, les sapeurs-pompiers ont pu expérimenter un dispositif de caméra piéton à la demande de leur direction. Si cet outil peut avoir un effet dissuasif contre un individu isolé et violent, son utilité dans un contexte où de nombreux individus agissent ensemble doit être sous-estimée. Pour Yannick Tenesi, ces situations “d’embuscade” appellent une autre réponse pénale. Appelée à plusieurs reprises par certains syndicats de police, l’instauration d’une peine minimale obligatoire ou “peine minimale” semble “nécessaire” selon le syndicaliste. Une mesure difficilement imaginable puisque le Conseil constitutionnel a jugé dans diverses affaires qu’elle était inconstitutionnelle.
Sensibiliser les plus jeunes
Pour les professionnels, cependant, ces actes de violence ne sont pas nouveaux. “On estime que ce problème remonte à il y a une dizaine d’années”, a déclaré le commandant Geoffrey Casu, conseiller technique de la Fédération nationale des pompiers. Selon lui, cela s’inscrit dans une évolution sociale plus large : “Ces attentats reflètent une remise en cause du pouvoir et des institutions en général. La cible de ces attaques sont les policiers et les gendarmes, mais aussi les élus. “Les pompiers ne dérogent pas à la règle, hélas, l’uniforme ne suffit plus.” Cependant, les enjeux sont élevés. Selon le commandant Casu, ces violences ne doivent pas remettre en cause l’engagement volontaire de milliers d’hommes et de femmes qui rejoignent les pompiers. “Le but est de s’assurer que ce phénomène ne sera pas un obstacle à ce volontariat”, a-t-il déclaré. C’est pourquoi “la question ne doit pas rester interne aux seuls pompiers”, insiste Yannick Tennessee. Parmi les axes proposés par le plan du ministère de l’Intérieur, un volet « sensibilisation » a ainsi été développé. « Nous essayons de développer la prévention et l’éducation dans les lycées et collèges pour expliquer aux jeunes ce qu’est le métier de sapeur-pompier. “Ce sont nos meilleures courses de relais”, conclut Alexandre Jouassard.