Peter Markov est épidémiologiste et titulaire d’un doctorat en virologie. Il a étudié l’évolution du virus de l’hépatite C, notamment l’influence de l’histoire coloniale et de l’esclavage transatlantique sur la sélection des génotypes viraux actuellement en circulation. Il a travaillé pour le Service de protection de la santé, le Service de santé publique britannique, puis le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Il travaille aujourd’hui au Centre commun de recherche, le centre de recherche scientifique et technique de l’Union européenne à Ispra (Italie). Il a récemment écrit un article dans la revue Nature Reviews Microbiology qui réfute le mythe selon lequel le virus SARS-CoV-2 évoluerait vers une infectivité plus faible et met en garde contre le risque de nouvelles variantes.
Dans votre article, vous critiquez l’utilisation du concept d’endémicité. Pourquoi ?
Cette idée a été mobilisée à des fins rhétoriques pour annoncer la fin de la pandémie et la levée des mesures de blocus. Cependant, l’endémicité signifie que le virus circule dans la population depuis des années, et non qu’il est sûr. Le problème de santé publique qu’il crée dépend à la fois du niveau de ce trafic et de la gravité de l’infection. Un virus endémique a un impact très différent s’il infecte 1 % ou 10 % de la population. Mais même à faible prévalence, certains virus constituent un problème de santé publique. C’est le cas du VIH ou du virus de l’hépatite C dont l’infection peut notamment entraîner un cancer du foie.
Vous dénoncez également l’idée que le SRAS-CoV-2 évoluerait vers une maladie moins contagieuse…
C’est l’un des mythes persistants en virologie. Cela part du principe que moins un virus tue, plus il survit dans la population. En fait, de nombreux virus sont hautement contagieux avant de tuer leurs hôtes, car les formes graves de la maladie et la mort surviennent tard dans le processus d’infection. C’est le cas du virus SARS-CoV-2 ainsi que d’autres virus, comme le virus de la grippe ou le virus VIH, pour lesquels plusieurs années séparent la transmission de l’apparition des symptômes. Et, comme pour tout être vivant, une pression sélective s’exerce sur la capacité du virus à se reproduire et donc à se transmettre dans le cas des virus. Le moindre sérieux d’Omicron ne présage pas de celui des futures variantes Tant que la population est exempte de virus, la transmission est favorisée par l’augmentation de l’infectiosité, d’où les variants Alpha et Delta sélectionnés pour ce trait au début de la pandémie. En revanche, une fois le virus relâché dans la population, l’immunité du troupeau ralentit sa propagation et l’infectivité fait moins la différence entre les variants. Pour continuer à circuler, le virus doit lever ce frein en échappant à l’immunité dirigée contre les variantes précédentes. D’où l’avantage donné à Omicron par ses mutations d’échappement, qui peuvent réinfecter des individus ayant été infectés par des variants antérieurs. La gravité n’est qu’un sous-produit de ce développement qui est difficile à prévoir, et la moindre gravité d’Omicron ne prédit pas les variantes futures. Rien n’exclut qu’ils soient plus pathogènes. Vous devez lire 41,34% de cet article. Ce qui suit est réservé aux abonnés.